L’ami américain, Jason Glasser, musicien, artiste peintre,
sculpteur, vidéaste, depuis 20 ans à Paris par amour pour une
Française, aura pris son temps pour sortir un premier album sous son
nom après l’avoir déjà fait comme membre du groupe new-yorkais
Clem Snide puis chanteur de Fruitkey de ce côté-ci de l’Atlantique.
Si les 12 chansons de Pelican sont enregistrées en seulement deux
jours dans le studio parisien Spookland en 2020, elles ont été écrites
et composées sur une période d’une dizaine d’années, testées voire
affinées lors de vernissages d’expositions.
En 2015, les deux amis Jason Glasser et Etienne de Crécy (pionnier
avec Super Discount de la “French touch” électronique de la fin des
années 1990) sortent le titre New Wave, parenthèse estivale entre “surf
music” et électro pop, interprété et coécrit par Jason. “Enregistrer avec
Étienne a transformé mon approche du chant”. Fini de crier, Jason ne
cache plus sa voix. Il s’accompagne sur Pelican au violoncelle et à la
guitare, secondé aux percussions, à la trompette et au synthétiseur
analogique Buchla par l’activiste pop Jérôme Lorichon, troisième
homme du groupe Zombie Zombie.
Spectateur des concerts acoustiques de Jason dans les galeries d’art,
puis auditeur de versions toujours plus retravaillées et réarrangées,
Étienne suggère à contrario un mixage radical de ses magnifiques
miniatures (aucune ne dure plus longtemps que 3 minutes et demi…).
De revenir à leur épure, de les dépouiller de leurs arrangements pour
n’en retenir que la vérité toute nue, persuadé de leur beauté au naturel.
Et Jason de valider la vision artistique d’Étienne, poussée à l’extrême
pendant les 100 secondes d’Anthem, où le chant se passe totalement
de la musique d’accompagnement d’origine, pourtant limitée à un
violoncelle et une batterie discrète. De Cannibals en ouverture à Just
Visiting en conclusion, le pari est gagné autour de quelques odes à la
vie conjugale (Bouncing, la belle déclaration d’amour au long cours
Face et Mi Oh my avec le renfort vocal de madame Glasser, dont
monsieur ne désespère pas de lui faire interpréter un disque entier),
Person, exercice de style digne du Springsteen apaisé, Sweetheart,
avec son violoncelle pour mantra et une amie de la fille des Glasser
pour choriste inattendue, Blue, aux frontières du jazz, The War qui,
malgré son titre, a moins à voir avec l’actualité qu’avec l’aspect vide
et absurde de la vie quotidienne occidentale moderne, le mystère de
Hunter’s Heart et l’entraînant premier extrait Good Luck.
L’album s’appelle Pelican en référence au surnom donné à Jason
par son ami Alexandre Courtès, directeur artistique, graphiste et
réalisateur, jadis moitié du binôme Alex & Martin responsable entres
autres vidéoclips du Seven Nation Army des White Stripes.
Fort d’un vrai sens de l’humour, Jason s’accepte Pelican : à chaque fois
qu’il veut raconter une histoire, son français parfois encore hésitant
le fait trébucher sur les premiers mots, laisse augurer le pire, avant
que la magie n’opère et qu’il ne transporte son auditoire pour finir
par emporter le morceau. Jason Glasser a beau raconter les histoires
de façon brinquebalante, il arrive toujours à bon port, comme ses
chansons. Il a donc logiquement demandé à Alex Courtès de signer
la pochette de Pelican.