Holy Phenomenon
Odran Trümmel a troqué le costume de timide troubadour folk de son dernier album pour une armure bariolée et baroque qui lui va comme un gant. Si la guitare folk n’est jamais loin, le son bénéficie aussi d’une réelle épaisseur faisant la part belle à une rythmique tantôt directe, tantôt alambiquée mais toujours centrale. Holy Phenomenon est donc un album tout en nuances : pics et ravins, vertiges psychédéliques et redescentes planantes, accélérations punks et doux ralentissements jazzy. A ne pas manquer.
La Lecture de Disque, par Flore Avet
A certains endroits des tourbillons, de petites vagues d’écume grossissent, surgissent puis s’attardent. Là où s’entrechoquent le nord et le sud, sous des continents butés et indéfinis, la vie sous-marine prend le relai, silencieusement, du sommeil de la terre aride.
Là, dans l’océan glacé qui s’agite et monte contre les digues sèches, de petites merveilles se marrent. Amusent, tourbillonnent, plaisir de l’asphyxie, de la surprise, de la glace dans le cœur.
Dans d’impatients maelströms, l’eau douce, tout à coup, par surprise, fond dans des mers intenses.
Odran Trümmel est comme crier sous l’eau. L’euphorie et la pression mélangée.
S’agiter de rires contenus et tamisés par les courants, et laisser couler sur soi la prochaine salve, le prochain roulement auquel il faudra laisser sa place.
Donc rouler, rire et se tendre, picoter l’espace de petits sons baroques et joueurs, avec au coin de l’œil les grands rythmes désordonnés.
De touts petits organismes colorés et aqueux se frôlent, baladés par la surprise du grand mouvement, et pourtant, on sait, on le connaît ce grand mouvement, plus raide que les vagues, plus poétique et plus profond.
Le tourbillon arrive à la surface. Par-dessus un chant enlevé viennent se ficher les écailles, les bris de calcaire, le sel.
Le pays glacé, nuit et jour, été, hiver, fort et austère, dans le silence terrifiant des tourbillons, l’eau bat les coquilles.
Là, seulement où la sauvagerie emprunte des mouvements d’ondulation.