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Jackson C. Frank

Contemporain de Bob Dylan et Joan Baez, Jackson C. Frank aurait pu appartenir au panthéon mondial de la scène folk des années 1960. Malheureusement, un destin tragique et un mal-être insurmontable en ont décidé autrement.

 

INCENDIE ET ELVIS PRESLEY : L’ENFANCE

La relation entre Jackson C. Frank et la musique tire son origine d’un événement tragique : en 1954, un incendie ravage son école de Cheektowaga, dans l’État de New York, tuant quinze de ses camarades et le laissant grièvement blessé. J.C. Frank a onze ans.

Alors qu’il est en convalescence à l’hôpital, un de ses professeurs lui offre une guitare bon marché et c’est une véritable révélation pour le jeune garçon : il ne cessera de gratter jusqu’à la fin de sa vie. À peine rétabli et sorti du lit hospitalier, il s’en offre une nouvelle, électrique, celle-ci. C’est la seconde moitié des années 1950 et un beau brun ténébreux au timbre de voix profond excite les foules : Elvis Presley.

L’oreille de J.C. Frank est collée à la radio et les notes du King en devenir sont loin de le laisser indifférent. Lors d’un voyage au Tennessee, le jeune et timide guitariste a même la chance de rencontrer son idole. Touché par son histoire, Elvis passe toute une après midi avec lui à Graceland.

 

100 000 DOLLARS ET LE SWINGING LONDON : LE DÉBUT DE CARRIÈRE

Puis dès la fin de l’adolescence, les choses s’emballent. À 21 ans, alors que les blessures sont devenues cicatrices, J.C. Frank touche un pactole de l’assurance de son école en cendres : plus de 100 000 $. Euphorique, le jeune homme dépense à tour de bras : dans une Jaguar, pour la frime, mais aussi dans une nouvelle guitare électrique dernier cri parfaite pour les arpèges sophistiqués et les accords rythmiques, une Gretsch Streamliner.

En 1965, il embarque pour Londres. À bord du Queen Elizabeth, il écrit sa toute première chanson, “Blues Run The Game”. Les accords sont élémentaires et la mélodie simple, mais tout est déjà là : la fragilité touchante, l’épure et, surtout, une justesse mélancolique désarmante.

 

La capitale anglaise est alors en pleine effervescence et Jackson C. Frank arpente sans modération les bars et clubs du swinging London. Rapidement, il commence à se produire sur scène, tentant de braver sa timidité maladive. Un soir, un jeune duo folk avec le vent en poupe reste émerveillé par l’authentique beauté des chansons et du jeu de Jackon C. Frank. Il s’agit de Paul Simon et Art Garfunkel.

Ni une ni deux, le duo emmène le folkeux américain en studio pour y enregistrer ce qui devait rester comme son seul album. Pour dépasser la timidité et le manque d’assurance, Frank joue caché derrière un écran. Les chansons produites sont à l’image de leur genèse : introspectives, modestes et honnêtes. Un magnifique album dans sa valise, adoubé par John Peel comme par le reste de la communauté folk locale, et l’amour à son bras en la personne de Sandy Denny, muse et partenaire musicale, le futur de Jackson C. Frank semble prometteur.

 

DÉPRESSION CHRONIQUE ET TIMIDITÉ MALADIVE

Malheureusement, alors que sa carrière est à peine lancée, sa santé mentale commence à le lâcher. Comme rattrapé par son traumatisme d’enfance, Jackson C. Frank tombe dans la dépression, maladie avec laquelle il devait composer jusqu’à la fin de sa vie.

En 1966, il se retrouve incapable d’écrire de nouvelles chansons et, pris dans un tourbillon mélancolique et arrivant à la fin de ses économies, il retourne vivre deux ans aux États Unis auprès de sa famille. Lorsqu’il revient en Angleterre, en 1968, ses amis le retrouvent changé. Miné par la dépression et ayant perdu le peu de confiance en lui acquis auprès des fans de folk, il semble comme hors de portée, perdu dans les ténèbres de ses tourments psychologiques.

 

TRAVERSÉE DU DÉSERT

Dans les années 1970, Jackson C. Frank vit à Woodstock, aux États-Unis, avec sa femme Elaine Sedgwick, sa fille et son fils. Après la mort de ce dernier, la santé mentale de Jackson C. Frank ne fait qu’empirer. Malgré le soutien de la scène folk, qui ne la pas oublié, sa créativité peine à refaire surface.

 

Les années 1980 et 1990 sont pour lui une longue traversée de la nuit. J.C. Frank vit chez ses parents et enchaine les séjours en hôpital psychiatrique, où on le diagnostique schizophrénique paranoïaque. Une escapade à New York à la recherche désespérée de Paul Simon le conduit à vivre un temps dans la rue. Perdu dans le Queens, il perd l’usage d’un oeil, dans lequel un bande de gamins désoeuvrés avaient tiré avec un pistolet à bille.

Mais pendant ce temps, un jeune fan issu de la région de Woodstock, aidé par un ancien ami de Frank, tentaient de retrouver sa trace. Au début des années 1990, ils parviennent à l’extirper de la misère et de l’isolement.

 

REGAIN CRÉATIF ET ENREGISTREMENTS À LA MAISON

Jackson C. Frank retourne vivre à Woodstock, où il recommence à enregistrer. Les démos qu’il conçoit alors chez lui se situent quelque part entre la mélancolie pure et innocente de Nick Drake et le classicisme élégant du Johnny Cash de la fin.

 

Il meurt en 1999 d’un arrêt cardiaque provoqué par une pneumonie, laissant derrière lui de riches archives musicales, retraçant avec fidélité le parcourt chaotique d’un musicien ultra sensible poursuivi par ses démons mais pourvu d’un talent sans pareil mis au service d’une écriture simple, profondément honnête et émouvante.

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